En excluant de sa majorité municipale les trois élus écologistes qui s'étaient joints à la manif anti aurine (voir communiqué) et avaient critiqué durement la tradition taurine dacquoise, Gaby Bellocq mérite sans aucune doute le prix au meilleur geste taurin de l'année, mais aussi une ovation pour son rappel aux valeurs démocratiques.
Comme tous les petits partis - il ne faut pas oublier qu'Europe Écologie n'existe au Parlement que grâce à la mansuétude imprudente du PS - les verts sont régulièrement tentés par la surenchère dans des débats de société qu'ils n'hésitent pas parfois à monter en épingle dans le seul but de créer un rapport de force avec leurs alliés qualifiés de naturels.
Si j'emploie le terme de "qualifiés", c'est qu'à mon avis il est un peu abusif de considérer comme telle l'alliance entre un parti de gouvernement dont on peut ne pas partager la ligne politique mais qui a démontré avoir le sens des responsabilités, et une mouvance très hétérogène dont l'unique stratégie est de surfer sur des dogmes ayant pour conséquence d'établir des lignes de fracture dans notre société.
Ce n'est pas aux paysans martyrisés par les diktats aberrants de l'écologie en chambre qu'il faut expliquer cela, et moins encore aux chasseurs, éleveurs et autres populations ayant toujours vécu en harmonie au contact de la nature, avant que des théoriciens irresponsables ne viennent leur expliquer les vertus de l'ordre nouveau qu'ils tentent d'imposer au risque de désagréger des secteurs qui, sans eux, s'autorégulaient très bien.
D'autres que moi ont expliqué que la percée verte s'explique surtout par la nécessité, pour d'illustres ambitieux, de créer un espace politique nouveau, tout simplement parce qu'ils n'étaient pas parvenus à satisfaire leurs ambitions en existant dans l'ancien. Espace qui, sous couvert d'angélisme, de naturalisme et de bonne intentions, n'est en fait qu'un de ces mouvements radicaux supplémentaires dont les démocraties en crise doivent gérer l'émergence un peu partout.
Pour s'en convaincre, il suffit de dresser la liste des avancées obtenues en échange d'un chantage aux élections, et qui, toutes, se traduisent par des interdits ou des charges nouvelles imposées à ceux que l'on désigne comme les coupables de l'agonie d'un monde, victime de ses habitants.
Le phénomène rappelle bien sûr les dérives totalitaires que diverses sociétés ont eu à subir, et explique que l'on ait pu qualifier les écologistes d'intégristes en soutanes vertes ou de khmers verts, entre autres gracieusetés, qui, au fond, définissent assez bien le projet de société qu'ils prétendent imposer au reste de la population, à partir de scores électoraux minimalistes.
Mais le mal est fait, et grâce à l'actuelle majorité, bien qu'ayant reçu inifiniment moins de votes aux dernières législatives que le Front National par exemple, Europe Écologie dispose d'un groupe parlementaire à l'Assemblée
et de divers ministres, dont une vit précisément dans les Landes, entourée d'aficionados et de chasseurs...
Dans les cartons de ce beau monde, existe un projet de loi d'abolition de la tauromachie, qui jusqu'à ce jour, n'a pas été déposé car l'urgence sociétale est autre et que, jusqu'à présent, s'ils n'avaient pas un sens parfait de l'intérêt commun, les verts avaient au moins celui du ridicule.
Il est à craindre que le dérapage des trois élus dacquois le leur ait fait perdre, lorsque l'on constate avec consternement, que le délégué régional d'Europe Écologie se déclare solidaire de ces personnes qui, il faut le rappeler, ont été sanctionnées par le maire, non pour leurs opinions, mais pour les avoir exprimées en marge des règles édictées, en se joignant aux casseurs qui ont sciemment enfreint l'arrêté municipal qui garantissait leur liberté d'expression, sans mettre en danger le reste de la population, ni exposer celle-ci aux injures des fanatiques.
La ligne rouge franchie explique donc la coulée verte, et la question qui se pose maintenant est celle de savoir jusqu'où ce petit parti choisira d'aller trop loin pour tenter d'apparaître comme une force majeure. Dans toutes les démocraties, et à tous les moments de l'histoire, les dérapages sont souvent venus des dérives minoritaires de groupuscules radicaux qui, au nom d'une idéologie le plus souvent discutable mise au service d'ambitions personnelles, ont
poussé les partis de gouvernement, parfois endormis sur leurs lauriers, à entrer dans la spirale de la surenchère pour laquelle ils ne sont pas armés.
On le voit bien dans le cas de Dax : l'appel au désordre des élus verts entraîne une sanction, et cette sanction sert désormais au parti à rebondir en invoquant un déni de démocratie dont la condamnation pourrit déjà le bras de fer engagé en vue des prochaines municipales. Au niveau dacquois il y a peu de risque que la situation dérape - le maire a montré des convctions républicaines fermes - et la seule chose qui semble probable est que les trois élus en question auront beaucoup de mal à s'imposer sur une liste commune avec leurs alliés actuels.
Or, comme le disent leurs responsables eux-mêmes, Europe Écologie n'est pas armé dans les Landes pour tenter la course en solitaire. Il faudra donc céder et remiser en même temps la tentation totalitaire qui consiste à dénoncer la culture locale au nom d'une infime minorité, ainsi que les trois élus qui se sont rendus coupables d'actes graves, susceptibles de les exposer à des sanctions pénales si des plaintes sont déposées, ce qu'il faut espérer pour la bonne santé de nos institutions.
Car comme chacun sait, il n'y a rien de pire que le sentiment d'injustice qui naît de l'impunité et pousse les citoyens vers les extrêmes, avec le risque de voir naîre ici et là des milices qui se donneront pour mission de nettoyer le pourtour des arènes si l'on constate trop souvent que ceux qui viennent y bafouer l'ordre ne sont jamais sanctionnés.
La sanction politique est une chose, et à Dax elle est tombée, mais fut-ce symboliquement, les trois élus dont la présence dans une manifestation interdite est revendiquée méritent d'être amenés devant un juge qui leur expliquera que l'on ne peut s'appuyer sur le désordre pour faire progresser des idées. Il en va de la bonne santé de notre démocratie, mais aussi de l'intérêt bien compris de la communauté taurine qui, comme toute les communautés culturelles ou de pensée, ne peut accepter d'être impunément mise à l'index par d'irresponsables aventuriers. Les guerres de religion ne débutèrent pas autrement, voire les tristes épurations ethniques dont le XXème siècle est riche.
André Viard